Fenêtre sur le Ngondo, l’emblême du peuple Sawa au Cameroun

25 septembre 2014

Fenêtre sur le Ngondo, l’emblême du peuple Sawa au Cameroun

LA PLACE ET LE ROLE DU NGONDO DANS LE NATIONALISME CAMEROUNAIS En dépit du fait que l’on voudrait cantonner actuellement le NGONDO à un mouvement culturel du peuple Sawa, le NGONDO fut si je ne m’abuse pas, l’âme ou l’architecte du mouvement des indépendantistes Camerounais ou le berceau du mouvement nationaliste au Cameroun. A son avènement, connu pour son souci de réglementer le commerce de tous les peuples vivants sur les bords des différents affluents du fleuve Wouri, le NGONDO a pu instaurer le « keki » (une unité de mesure des palmistes et des tarots). Ensuite le NGONDO s’est investi dans la réglementation de la société Sawa en s’illustrant par sa célèbre loi de « Talium – Diboubé » qui punissait de mort quiconque était convaincu d’homicide. C’est lors de la signature du traité de protectorat Germano – Douala en 1884 que le NGONDO prend les allures indépendantistes et révolutionnaires. Ceci s’explique par l’arrogance des Allemands qui se comportaient non pas comme des partenaires mais des maitres avérés des lieux. Cette attitude des Allemands fit du NGONDO le défenseur légitime de notre patrimoine et l’avenir du pays. L’heure des pétitions avait sonné, les différentes interventions des membres du NGONDO auprès des milieux éclairés Allemands, de la presse et du Bundestag donnèrent naissance à la genèse du nationalisme Camerounais. En réalité a quoi se résumaient les revendications des ténors du NGONDO ? Quels étaient les éléments fâcheux du traités Germano – Douala qui révoltaient tous les pères du NGONDO ? Selon Camaroes, un journal d’analyse de recherche anthropologique et de prospectore politique, « les chefs et les dignitaires Douala avaient compris très tôt que le protectorat Allemand devenait un marché de dupe qui, se traduisait par une négation des engagements contractuels consignés dans un document à savoir : – L’abolition par les Allemands du Kumi (duti la munja) (droit de péage) ; tandis que le traité stipulait que « les péages doivent être payés annuellement comme par le passé, aux rois et aux chefs ». Ensuite, vint le décret du 2 mai 1895 du gouverneur Allemand J. Von Puttkamer contre le commerce d’intermédiaires des Duala ; il stipulait : 1. Il est interdit aux chefs traditionnels, aux commerçants, à tous les membres de la tribu duala et celles de la côte qui sont apparentées de se livrer à la chasse aux éléphants, au commerce et de d’engager un personnel pour ces activités. 2. Les contrevenants seront sanctionnés par des amendes jusqu’à mille marks ou par une détention. Par ce décret les Duala perdirent une importante main-d’œuvre. Et le second décret publié le 18 juin 1895 interdisait une fois de plus aux membres de la tribu duala de s’installer, dans le but de faire le commerce ou la chasse, dans la région qui s’étend de la Sanaga jusqu’à l’embouchure Kwakwa en aval. Face à cette négation du traité et la volonté des Allemands de saper l’assise socio-économique des Duala, ajoutées aux multiples atteints à la dignité humaine de ces derniers (châtiments corporels excessifs) par le gouverneur Puttkamer, les Duala ripostèrent… Et « c’est bien dans le Ngondo, âme, foyer et levain de la résistance anticoloniale, que le peuple duala autrefois divisé à l’envie, puisa en ces circonstances des plus graves de son histoire, toute sa force de sa cohésion et de son courage ». Aussitôt une souscription populaire à raison d’un demi-mark par personne adulte et valide s’organisa. Le produit de cette quête était destiné à couvrir les frais de voyage et de séjour d’une délégation du Ngondo en Allemagne. Voici la pétition déposée au Reichstag, assortie des propositions de réformes. Elle condamnait : – L’arbitraire des décrets pris au Kamerun, surtout le décret sur l’interdiction du commerce sans la région de la Sanaga. – Les abus commis par des fonctionnaires et les soldats sur les populations (au moindre manquement les fonctionnaires et les soldats enlevaient les habits des populations ou procédaient au rasage des cheveux et de la barbe). Elle proposait comme réforme : – De ramener le siège du gouvernement de Buea à Douala, – Les contacts réguliers entre le gouverneur et les chefs traditionnels, – La célérité dans le traitement des affaires judiciaires, – L’adoption des mesures d’émulation pour récompenser l’effort des chefs traditionnels dans la promotion du petit élevage, La pétition s’achevait par : – La réinstauration de la permission de la chasse à l’éléphant – Le droit de discuter avec le ministre des affaires étrangères à Berlin pour les affaires importantes. Une autre pétition duala fut envoyée en Allemagne en 1905 et malgré les peines d’emprisonnement écopées ensuite par les signataires, le gouverneur Puttkamer fut finalement rappelé en Allemagne en 1907. Ensuite vint la terrible confrontation des Duala et du Ngondo sous la direction de Dualla Manga face à l’admistration allemande, portant sur l’expropriation des Duala sur le plateau Joss. A la fin de cette guerre où l’Allemagne fut battue par les troupes alliées, pour « les Duala, la principale préoccupation était de se fixer sur leur avenir. Beaucoup d’entre eux pensaient en 1914 que le traité de 1884 avait expiré, tandis que d’autres estimaient qu’il devenait caduc dès lors que les Allemands étaient chassés du pays. Aussi un sentiment était largement répandu selon lequel l’avenir du peuple devait être négocié ». Ainsi : « les Duala envoyèrent à la conférence de la paix à paris une pétition soulignant de garantir leur droits de propriété. Un élément important de cette pétition allait ensuite s’affirmer de plus en plus nettement au cours de la période : l’insistance des porte-parole duala à demander la garantie du statut de citoyen pour les indigènes du Cameroun ». Face aux tergiversations et appétits européens pour un nouveau découpage du « gâteau colonial », « les pétitions des chefs duala à Genève se succédèrent et chacune indiquait la montée du sentiment nationaliste et la conviction de ses auteurs qu’il fallait permettre au Cameroun une évolution politique allant bien au-delà des vagues prescriptions prévues par le Mandat. Une fois de plus, après cette pétition, les chefs duala furent embastillés et l’admistration française évoqua les liens entre la diaspora duala et les Bolcheviks en Europe. Nous mentirons également parmi les multiples réclamations et attitude de défiance des Duala envers les colonialistes la révolte des femmes duala en juillet 1932 contre l’impôt de capitation. Ainsi après les interdictions sous les allemands, puis sous les français, le Ngondo reprit ses activités en 1949, et s’apprêta encore pour de nouvelles batailles qui s’annonçaient après les promesses de la conférence de Brazzaville de 1944. Lors du précédent parcours, c’est dans l’honneur et la dignité pour la défense de la liberté de la patrie que tombèrent sous les coups des colonialistes allemands et français : le Roi Bell Douala Manga et Ngoso Din pendus en 1914, le Roi Akwa Dika Mpondo mort en détention à Campo en 1916, le Prince Ludwig Mpondo Dika exécuté en 1946, le notable bonakuomuang Dikongue Théodore Milton exécuté le 16 mars 1941. Sans oublier d’innombrables sawa jetés dans les prisons ou tués dans l’anonymat. A l’avènement des partis politiques, en commençant par l’UNICAFRA puis le RACAM (Rassemblement camerounaise), le Ngondo était présent. Le Ngondo sera également représenté le 22 juin 1948 à la Salle des Fêtes d’Akwa, lors de la présentation, au peuple de Douala, de l’UPC (Union des populations du Cameroun) . Soulignons qu’au congrès de l’UNICAFRA en 1947 à Douala : « Mathias Djoumessi s’intéressa au Ngondo Une copie des statuts le fut remise. C’est sur cette base que le chef supérieur bamiléké allait créer dans sa région, le Kumszé qui jouerait bientôt un rôle important dans l’évolution de l’Ouest Cameroun. Et à l’instar du Ngondo, naîtrons l’Efoula-Meyong, l’assemblée traditionnelle du peuple bamoum, l’association traditionnelle des peuples Eton-Manguissa-Batsenga, le Kolo-béti, le Koupé, Union du Diamaré etc… (19).

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Commentaires

kaptueflorian
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Le Ngondo est trop souvent perçu uniquement par la jeune génération comme un simple mouvement culturel du peuple Sawa et pourtant, c'est le creuset des mouvements indépendantistes au Cameroun si ce n'est le berceau du nationalisme camerounais.